2 Chaises vides !
Nous vivons une expérience singulière et inédite : des églises pleines à craquer... de chaises vides ! Très bonne préfiguration du tombeau vide de la résurrection !Ce vide est-il plein de devenir ? Je pense au tombeau du Christ, mais aussi à nos églises ! Car enfin, côté Christ, il a fait ses preuves depuis plus de 2000 ans que ça dure ! Mais côté Eglise, rien n’est joué ! A la fin de l’ère confinement il y aura le grand air ! Retournerons-nous nous enfermer dans une église en sortant enfin de nos maisons !
Au bout du compte cela fera des semaines et des mois que les bancs de l’église seront restés vides !
Vatican II a voulu faire du chœur, une nef pour tous, ou au contraire mettre tout le monde dans le chœur, « assis en cercle autour de Jésus » [Marc 3, 32] (je ne pense pas au prêtre à l’autel, mais à l’autel qui table sur le Parole et le Pain du Christ ! Mais voilà, Vatican II s’est vu contré par un mouvement inverse où aujourd’hui on voit ici et là, le chœur vidé des femmes et même des demoiselles acolytes ... Il faut être homme, pour gravir les marches du cœur comme un athlète qui monterait sur les marches d’un podium ! Et ce n’est pas cela qui forme la communauté des croyants ! Du coup la nef deviens une salle « des pas-perdus » ... A moins que ce ne soit pas si perdu que cela, car les pas sont en attente d’un ailleurs, débouchant sur le parvis (paradis !) au bout duquel un pape a planté une pancarte pointant vers la périphérie ! Voilà que Genèse se répète ! Comprenons que le job n’est pas encore accompli !Ceci dit, maintenant qui veut aller en périphérie, c’est moins émoustillant qu’un podium ? Les bannis, le ban, le bannissement... se masquent à peine sous les banlieues. En Afrique qui veut aller sur la « Piste » profonde, là-bas, c’est le nom des périphéries car elles s’opposent aussi à l’urbanisation excessive.
Non, on pense souvent que la messe ne peut être célébrée, que face à des fidèles qui tiennent debout devant leurs chaises clouées au sol, face au Saint des Saints, sur une table fixe colée au sol et à un ambon qui vous oblige à vous tenir droit, sans mouvements, sans expressions.Cet espace on l’a flanqué d’un placard à hosties (= victime) dardé d’une lumière rouge. On le nomme aussi « coffre-fort », me disait un gamin qui avait compris combien la Parole est un Trésor ! Le vrai nom technique et respectueux c’est tabernacle, (tente) ; mais qui a déjà vu une tente plantée sur les larges dalles d’un édifice aux pierres froides ?
La tente est dédiée aux chemins, à la rencontre, à la mobilité ! Je me souviens de ce jour où nous terminions la célébration dominicale, par un majestueux : « Allez dans la paix du Christ ! » Les Théotime vous vous souvenez que chacun était invité à sortir en passant devant un « reposoir » où l’on avait déposé le ciboire rempli d’hosties consacrées. Le tabernacle du bord du chemin, devant lequel chacun passait pour se dire au fond de lui-même, je suis maintenant ce tabernacle mobile et agile sur les chemins du monde ! Le vrai tabernacle n’est-il pas celui, qui après avoir communié, porte et emporte le Christ jusqu’aux périphéries ?Oui inventons un chemin à l’Evangile ! Comme on dit chez nous, réimprimons cet évangile sur les routes humaines. Quand on retrouvera un peu de mobilité on ne va pas y cracher dessus ni refuser ces nouveaux pas. Au contraire, on va faire un plein de mobilité, en attendant une seconde manche qui arrivera fatalement, un jour !
Comme la politique a été celle de la chaise vide, que toutes les chaises vides ont tant bien que mal participé à des messes vidéo présidées par des prêtres seuls, avec en singulier vis-à-vis une caméra au milieu des chaises vides... Pourquoi pas ! Accepter une messe virtuelle a été une épreuve pour plus d’un, pour qui virtuel veut dire irréel, comme pour les mêmes, symbolique veut dire purement imaginaire ! Et si le virtuel et le symbolique étaient plus que vrai ? Ah ! Il y en a eu, des messes virtuelles ! Certains trouvent même qu’il y a eu overdose ! Face à cette multiplication des messes initiatives vidéo, le « trop peut apparaitre comme l’ennemi du bien ! » Pourtant !Quand la nation commémore, elle produit quelques grand-messes laïques bien rodées, avec discours, représentations, uniformes et musique militaire ! Pour nous en Eglise c’est la messe avec clergé, discours, symboles, vêtements liturgiques et musique réglementaire. Je ne veux pas savoir qui a copié sur l’autre !
Certes en ces temps particuliers, les vidéo-messes ont fleuri sur la toile, car chacun, comme on dit, ne fait bien que ce qu’il sait faire ! Pourtant quelques signes me disent que ces « essais » ne demandent qu’à être poursuivis et transformés !- D’abord dans le jeu de l’absence, de l’interdit, de la présence virtuelle, au-delà de la forme, un lien a été renforcé et célébré. Et personne ne peut regretter ce supplément d’âme au moment du manque ! Personne ne va s’attrister, au contraire, sur cette fraternité qui à maints endroits a été secouée, réveillée, activée. Un témoignage reçu résume de nombreux autres : « Merci pour ces superbes vidéos. Ce qui me touche le plus c'est de partager ces moments forts de notre foi. Merci de tout cœur. Joyeuses fêtes de Pâques. Prenez soin de vous car vous comptez beaucoup pour moi.»
- Secondement, ces superbes vidéos peuvent être autres qu’une simple mise en boite d’une messe ! Il y a ici, potentiellement, une autre approche ! Une image pour éclairer : à cause du confinement, la rue est déserte et je me surprends à traverser hors des passages protégés. Oui on peut naturellement sortir des clous, sortir des rubriques, et avec le temps, créer et partager autrement ! Ce n’est pas une originalité mal placée qui ferait concurrence au sacré, mais l’empreinte inspirée par l’Esprit qui n’est pas Esprit s’il n’est pas créateur !
Et enfin nombre de productions marquées Carême ou semaine Sainte ou autres encore, en temps de confinement portent les empreintes de la nouveauté ne se contentant pas de reproduire, de filmer en citation et entre guillemets, mais se sont risqués à trouver d’autres langages plus adaptés à l’époque et aux jours inédits imposés par le confinement.
- Par-dessus tout, a émergé une ligne nouvelle, inversant les habitudes. Jusqu’au Covid-19 rampant, on allait de sa maison à l’église, quitte à laisser ceux qui n’ont pas envie de sortir !
Avec le Covid-19 on a redécouvert la route inverse, c’est l’église que l’on quitte pour aller célébrer dans les maisons... Des formes renouvelées de prières, de communion, d’eucharistie sont entrées dans les maisons ! Et là pas de curé pour présider, à la maison on préside avec les moyens du bord, comme on a réussi à faire des apéro-skype : et ça marche ! Et si ce mouvement devenait récurrent, si la maisonnée se remettait à vivre, non pas comme un lieu neutre et privé, comme une cellule de laïcité mais comme un lieu de vie partagée, où le cœur fait entrer au plus profond de soi-même et de l’autre !Un cœur qui révèle « l’intime » qui est un superlatif de l’intérieur, et même, cet espace qui désigne Dieu ! « Chacun ne croit-il pas en quelqu’un ou en quelque chose, qui le rend capable de vivre ? »
Joie aussi d’une vie partagée puisque la vie est différente pour les uns et les autres ; ce n’est que lorsque l’on est différent que l’on commence à s’intéresser à l’autre, à condition toutes fois de ne pas en avoir peur et de ne pas vouloir que se taire !
Le : Samedi 18 Avril 2020
Dans la rubrique : Passer à la claie