La jaquette du roman de 470 pages, une illustration entre jour et nuit et un mot : l'Autre !
Voilà un roman de Michel Tournade. Il a nécessité manifestement plus de temps pour l'écrire qu'il m'en a fallu pour le lire !
Des pages qui m'ont fait me fondre, sans les confondre, dans le rêvé, la réalité et la cruauté. Il y a, en ces pages, et un regard flagrant sur le monde moderne et la confrontation à l'insupportable, au milieu desquels s'affirme une construction lente de la liberté, ainsi qu'une émergence encore plus lente de la justice.
"L'Autre" nous jette sur des routes du monde, qui ne mène assurément pas au village idéal du Forum social mondial de Porto Alegre (janvier 2001) lieu rêver pour "faire frèrer" la planète et croire qu'un « autre monde est possible ». L'Autre" ce roman de Michel Tournade est au plus près de notre société aux groupes juxtaposés, les uns à côté des autres, dans le jeu des dominations et des soumissions, dans les spirales de l'individualité et des inégalités. Pour autant un autre monde ne serait-il pas possible?
Les pages, les chapitres de ce roman ne cessent de nous placer devant l'autre. A moins qu'ils nous rendent témoins d'une situation où l'autre s'impose à nous comme aux deux héros. Qu'il s'agisse de cet adolescent soudanais ou de ce jeune des beaux quartiers d’Annecy, ils ont tous deux 17 ans. Quelques 5 190 km les séparent et l'un et l'autre oscillent entre une enfance qui s'éloigne précocement et un âge adulte qui impitoyablement les précipite dans des étapes aux allures infranchissables.
Chacun d'eux est en quête de sa propre source, balloté par des idéaux affirmés et ébranlés, troublé dans une affection contrariée, tous d'eux en quête d'autonomie ! Ce roman ne démentirait pas Saint Exupéry affirmant que "l'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle." Et l'obstacles s'avèrent pluriels ; l'un d'entre eux porte le joli nom de leur religion qui instrumentalise ou altère de beaux visages de témoins et interroge le visage du Tout Autre.
L'histoire de ces deux adolescents m'a ému. Impossible de rester indifférent et impassible. Le rictus, le sourire, les larmes accompagnent les chemins de l'Autre, et nous engagent à notre tour dans cette reconnaissance de l’autre, en sa différence, ethnique, sociale, culturelle et religieuse. La figure de l’autre, autre expression de l’altérité, se rencontre dans la vie !Quelques chemins se croisent ou se tendent, au fil des intrigues à rebondissements ! Ici et là régulièrement une histoire dans l'histoire, venant de la sagesse populaire, de la bible, ou d'une autre tradition, amplifie ou réduit les situations des chemins de l'expérience de la vie. Quant à cet autre chemin, celui du langage et de l'interprétation des signes, il force une espérance lorsqu'il tourne court ou risque d'être englouti. Et enfin la figure de l’autre se rencontre aussi dans des paroles mises par écrit, un jour du temps.
Vient alors le chemin de la transformation qui envisage l'avenir et surtout convoque le chemin de l'altérité qui oblige à se dire : "mais qui est l'autre ?" et se faisant de me dire : "et moi, donc, qui suis-je". Dès lors entre l'un et l'autre une relation s'engage !
Le : Mercredi 19 Octobre 2022
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